Abstract
Ce mémoire de thèse étudie les pratiques de numérisation de documents d’archives en prenant le parti de suivre celles et ceux qui produisent des copies numériques. Basée sur une enquête ethnographique menée auprès de diverses institutions patrimoniales au Brésil, cette entrée par les pratiques vise à mieux comprendre de quoi la numérisation est faite concrètement – et ce, afin d’interroger en quoi elle contribuerait à de nouvelles appréhensions et (re)constitutions des patrimoines. Cette approche questionne une série de présupposés quant aux "effets" de la numérisation en revenant sur son organisation par les participant·e·s, pour montrer le rôle actif qu’ils et elles y jouent, car cette organisation participe concrètement de ses résultats, les copies numériques. La thèse contribue à l’analyse des cadres de l’action et de la perception, tout en proposant des éléments pertinents à l’étude ethnographique des patrimoines. Elle rend compte des intrications qui se jouent sur les lieux de leur numérisation par le biais du travail des opératrices et opérateurs qui se dotent de modalités spécifiques pour saisir le patrimoine en tant que professionnel·le·s de la numérisation dont les cadres de l’activité sont encore à établir. Ainsi, elle permet d’explorer les transformations situées, locales et spécifiques qui accompagnent des projets de numérisation patrimoniale et les mets en regard des discours généralisateurs sur le numérique.
En suivant le détail du travail de ses opératrices·teurs, et en s’appuyant sur la notion de cadres (Goffman, 1974) et de systèmes d’activités situés (Goodwin, 1994, 1996), l’enquête explore la relative pérennisation de cadres établis par les participant·e·s. Ces cadres doivent servir d’appui à la numérisation, à la fois par l’organisation précise et attentive de l’environnement matériel, et par l’élaboration et la mise à l’épreuve de procédures permettant de définir les bonnes façons de faire pour parvenir à de bonnes copies. Ces cadres sont ainsi prévus pour assurer une certaine systématicité de pratiques visuelles, préparées à l’avance et guidées par l’environnement et les procédures établies, afin de produire des copies uniformes, l’uniformité inter-copies étant un critère important de la qualité du travail réalisé, plus important peut-être que des notions de fidélité aux originaux. Ces bonnes copies, qui tiennent compte d’un public supposé mais encore inconnu, demandent des articulations entre différents corps à la jonction entre matériel et digital, articulations qui assurent la production locale d’une objectivité destinée à tenir hors de sa production.
Par sa structure, le mémoire de thèse suit l’historique de la stabilisation progressive des cadres de la production et de l’évaluation des copies pour mieux comprendre comment ces cadres jouent dans la production effective de copies numériques. Il revient tout d’abord sur les négociations et déplacements (d’objets, de documents et de personnes) qui se jouent afin que les projets de numérisation puissent effectivement avoir lieu. Une fois les projets débutés, l’analyse suit les séquences durant lesquelles les opératrices·teurs cherchent à établir les environnements et procédures qui leur permettront de reproduire des actions similaires afin de réaliser des copies de qualité constante, uniformes entre elles. Ces tentatives d’établir des cadres stables placent l’environnement et les corps (des objets, des documents et des personnes) au centre de l’attention des participant·e·s. Cependant, après avoir suivi quelques séquences de numérisation où de bonnes copies semblent émerger facilement des cadres établis, l’analyse revient sur des séquences où, à la suite de problèmes, corps et procédures sont interrogés à nouveaux frais et reviennent au centre de l’attention. Cette dernière partie établit une attention duale des participant·e·s qui évolue dans le temps et permet de poser la question du quand les cadres sont au centre des attentions, et quand ceux-ci sont au contraire amenés à guider l’action sans que les participant·e·s n’y fassent plus attention, évitant ainsi de réifier l’une ou l’autre de ces positions quant aux rôles des contextes dans l’action. En intégrant le travail d’agencement préalable comme partie intégrante de ce que l’on appelle la numérisation, ce mémoire permet alors de montrer que celle-ci consiste en une activité bien plus complexe que de simplement « cliquer sur un bouton », puisqu’afin de pouvoir le faire les participant·e·s sont confronté·e·s à un long travail de mise en cadre.
En suivant le détail du travail de ses opératrices·teurs, et en s’appuyant sur la notion de cadres (Goffman, 1974) et de systèmes d’activités situés (Goodwin, 1994, 1996), l’enquête explore la relative pérennisation de cadres établis par les participant·e·s. Ces cadres doivent servir d’appui à la numérisation, à la fois par l’organisation précise et attentive de l’environnement matériel, et par l’élaboration et la mise à l’épreuve de procédures permettant de définir les bonnes façons de faire pour parvenir à de bonnes copies. Ces cadres sont ainsi prévus pour assurer une certaine systématicité de pratiques visuelles, préparées à l’avance et guidées par l’environnement et les procédures établies, afin de produire des copies uniformes, l’uniformité inter-copies étant un critère important de la qualité du travail réalisé, plus important peut-être que des notions de fidélité aux originaux. Ces bonnes copies, qui tiennent compte d’un public supposé mais encore inconnu, demandent des articulations entre différents corps à la jonction entre matériel et digital, articulations qui assurent la production locale d’une objectivité destinée à tenir hors de sa production.
Par sa structure, le mémoire de thèse suit l’historique de la stabilisation progressive des cadres de la production et de l’évaluation des copies pour mieux comprendre comment ces cadres jouent dans la production effective de copies numériques. Il revient tout d’abord sur les négociations et déplacements (d’objets, de documents et de personnes) qui se jouent afin que les projets de numérisation puissent effectivement avoir lieu. Une fois les projets débutés, l’analyse suit les séquences durant lesquelles les opératrices·teurs cherchent à établir les environnements et procédures qui leur permettront de reproduire des actions similaires afin de réaliser des copies de qualité constante, uniformes entre elles. Ces tentatives d’établir des cadres stables placent l’environnement et les corps (des objets, des documents et des personnes) au centre de l’attention des participant·e·s. Cependant, après avoir suivi quelques séquences de numérisation où de bonnes copies semblent émerger facilement des cadres établis, l’analyse revient sur des séquences où, à la suite de problèmes, corps et procédures sont interrogés à nouveaux frais et reviennent au centre de l’attention. Cette dernière partie établit une attention duale des participant·e·s qui évolue dans le temps et permet de poser la question du quand les cadres sont au centre des attentions, et quand ceux-ci sont au contraire amenés à guider l’action sans que les participant·e·s n’y fassent plus attention, évitant ainsi de réifier l’une ou l’autre de ces positions quant aux rôles des contextes dans l’action. En intégrant le travail d’agencement préalable comme partie intégrante de ce que l’on appelle la numérisation, ce mémoire permet alors de montrer que celle-ci consiste en une activité bien plus complexe que de simplement « cliquer sur un bouton », puisqu’afin de pouvoir le faire les participant·e·s sont confronté·e·s à un long travail de mise en cadre.
Bidragets oversatte titel | Framing Archives Digitization: producing "good" copies |
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Originalsprog | Fransk |
Status | Udgivet - 2021 |
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Udgivet eksternt | Ja |